Comment avez-vous préparé ce voyage ?
En lisant des journaux africains, j’ai compris que la situation de ce pays dégénérait. Je suis parti plusieurs fois, entre septembre 2013 et avril 2014. En reportage, je prends mon matériel photo plus une moustiquaire, un réchaud, de quoi manger pour 3 jours, un couteau, une pince, du scotch, des cordes, des médicaments. En Centrafrique, il est parfois difficile d’acheter des choses. Il faut donc être bien préparé.
Que voit-on sur cette photo ?
On est en septembre 2013. Des rebelles musulmans venaient de prendre le pouvoir en Centrafrique et chassaient les populations. Dans les villages, les gens se sont alors organisés pour se défendre. Ce sont ces villageois, armés de leurs fusils de chasse, que l’on voit sur la photo.
Comment vous êtes-vous retrouvés face à ces jeunes ?
Alors que nous nous étions arrêtés dans un village, un premier jeune est venu nous voir pour savoir si nous étions journalistes. D’un sifflement, il a appelé tous les autres. On s’est retrouvés face à une trentaine d’hommes armés qui voulaient témoigner.
Cela devait être impressionnant !
Il y a toujours de l’appréhension dans ces moments-là. Au début, ils ont essayé de savoir si nous étions des espions. Alors, on se parle, on s’écoute.
Demandez-vous la permission de photographier ?
Dans cette situation, oui. J’ai montré mon appareil photo et je prévenais quand j’allais prendre une photo. La Centrafrique n’avait pas vu de journalistes blancs depuis longtemps : les jeunes demandaient de ce qui se passait dans le monde, et même dans leur propre pays ! Ils étaient contents de nous parler.
C’est quoi, le collier de l’homme en rouge ?
C’est une amulette. En Afrique, il y a peu d’hôpitaux. La population se tourne alors vers des sorciers, qui placent des plantes et des os d’animaux dans des petits sachets en cuir. Ils sont censés protéger des maladies et des ennemis. Ici, les jeunes pensaient que ces amulettes leur donnaient le pouvoir d’être invisibles et d’éviter les balles.
Pourquoi ne regardent-ils pas l’objectif ?
J’ai pris une vingtaine de photos d’eux : sur certaines, ils me regardaient, sur l’une d’elles, même, l’un des hommes riait. C’était moins dramatique. J’ai choisi celle-ci pour montrer une situation symbolique : ces jeunes de la campagne n’ont aucune formation militaire, mais ils sont prêts à se battre. D’ici quelques mois, leur vie aura basculé dans l’horreur de la guerre…
Retrouve dans ton hebdo 1jour1actu n° 41 « L’info en grand » sur le métier de photojournaliste : sous forme d’une grande illustration, découvre le reportage de Michael en images.
Exposition « Centrafrique. De terreur et de larmes », à voir jusqu’au 14 septembre à Perpignan, dans le cadre du festival Visa pour l’image. Michaël Zumstein était nominé cette année pour le prix Visa d’or News.