1jour1actu : Vous êtes paléosculptrice. Ce n’est pas un métier très connu, ça…

Elizabeth Daynès © DR


Elisabeth Daynès : Disons que c’est un métier à mi-chemin entre l’art et la science. Mais au départ, je suis artiste. J’ai beaucoup travaillé pour le théâtre et le cinéma. Je faisais des masques, des accessoires. C’est moi, par exemple, qui ai fait le nez de Cyrano de Bergerac, interprété par Jean-Paul Belmondo, dans le film de Robert Hossein.

1jour1actu : Comment une artiste en arrive à se passionner pour l’origine de l’homme ?

Elisabeth Daynès : Le hasard ! Un jour, j’ai reçu une commande pour faire des sculptures d’hommes préhistoriques. J’ai commencé par me documenter sur le corps humain, puis j’ai rencontré de grands anthropologues. Ça a été une révélation. Depuis, je suis passionné par les origines de l’homme. Et par la façon dont le corps s’est adapté au fil du temps.

1jour1actu : Vos sculptures donnent l’impression qu’on est face à de vrais vivants…

Elisabeth Daynès : C’est ma manière à moi de rappeler aux hommes d’aujourd’hui que les hommes d’hier n’étaient pas des sous-hommes. Depuis des dizaines de milliers d’années, les hominidés arrivent à faire des choses extraordinaires : peindre, fabriquer des outils, des bijoux, etc. Il y a finalement peu de différences entre les premiers hommes et nous.

1jour1actu : Il faut sûrement beaucoup aimer le genre humain pour faire des sculptures si humaines.

Elisabeth Daynès : C’est vrai, oui. Je suis passionnée par la préhistoire, mais c’est surtout les hommes, depuis leur origine jusqu’à nos jours, qui m’intéressent. Et pour sensibiliser le public, notamment les enfants, à ces hommes du passé, je m’applique à faire des sculptures hyperréalistes. Car les squelettes ne sont pas que des os. En leur redonnant une forme humaine, je leur rends une identité et une dignité.

1jour1actu : Comment parvenez-vous à créer ces visages si expressifs ?

Elisabeth Daynès : Je pars des crânes, ou plutôt des moulages que me prêtent les anthropologues. Car c’est le crâne qui donne la forme du visage. Si, aujourd’hui encore, nous avons tous des visages différents, avec des mentons plus ou moins avancés, des fronts plus ou moins larges, des pommettes ou non, etc., c’est parce que nos crânes sont différents les uns des autres. À partir de cette base, donc, je fais une sculpture en terre sur laquelle j’applique des couches d’argile successives pour donner l’illusion des muscles, et enfin de la peau. Je sculpte les rides, les plis du front, les cicatrices… Et j’utilise des billes de verre pour les yeux. Tous ces détails sont importants car ce sont eux qui créent l’émotion qu’on ressent face à un visage.

1jour1actu : Combien de temps vous faut-il pour créer une sculpture ?

Elisabeth Daynès : Environ 6 mois, car il y a beaucoup d’étapes. C’est le temps nécessaire pour créer une sculpture vivante. Et rigoureusement scientifique, car je passe aussi beaucoup de temps à interroger les chercheurs, à aller sur les fouilles, à me documenter.

1jour1actu : Votre homme préhistorique préféré ?

Elisabeth Daynès : Néandertal, car il a un très beau crâne. Et c’est un être encore très mystérieux…