1jour1actu : Vous êtes photographe professionnel. Étiez-vous à la manifestation pour votre travail ?
Martin Argyroglo : Pas du tout. Mon travail consiste à faire des photos pour les architectes ou les musées d’art. Je ne fais pas de photos pour les journaux. Ce n’est pas ma spécialité. Le dimanche 11 janvier, je faisais des photos pour moi. Pas pour les vendre.
1jour1actu : Alors comment votre photo est-elle arrivée à la une des journaux ?
Martin Argyroglo : Quand je suis rentré chez moi dans la nuit, je l’ai postée sur mon compte Facebook parce que je la trouvais pas mal. Les internautes l’ont fait circuler. Le lundi, elle avait été partagée des milliers de fois. En fait, très vite, la photo ne m’a plus appartenu. Tant mieux. Je suis content que les gens se la soient appropriée.
1jour1actu : Racontez-nous l’histoire d’avant sa naissance…
Martin Argyroglo : Toute la journée, il avait été très difficile de prendre des photos à cause du monde. Le soir, le rassemblement se disperse, ce qui facilite mon travail. Je repère une foule de gens autour de la statue de Marianne, place de la Nation. Il y a une grande ardeur qui se dégage de cette scène, et aussi une sorte de gaieté qui n’a plus rien à voir avec l’angoisse et le recueillement qui avaient marqué la journée. Malheureusement, il fait nuit…
1jour1actu : Et alors ?
Martin Argyroglo : À ce moment-là, quelqu’un au pied de la statue allume un fumigène, visible sur la photo. Cela m’a donné les 3 ou 4 secondes de lumière nécessaires pour appuyer sur le bouton de l’appareil. Voilà : coup de chance !
1jour1actu : À votre avis, pourquoi cette photo a-t-elle été tellement reprise et publiée depuis ?
Martin Argyroglo : Je pense qu’elle correspond bien à l’image que l’on a, en France, de la manifestation. Le drapeau, Marianne… On voit aussi beaucoup d’émotion, d’ardeur… Les gens sont heureux de défendre les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité. C’est une tradition que l’on a depuis 300 ans, depuis la Révolution française.
1jour1actu : Il y a beaucoup de ressemblances entre votre photo et le tableau du peintre Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple…
Martin Argyroglo : C’est un hasard. Mais il y a beaucoup d’œuvres qui glorifient la Révolution dans nos livres d’école, nos livres d’histoire, nos musées… Du coup, sans m’en rendre compte, j’ai peut-être reproduit une image que je vois depuis mon enfance et qui appartient profondément à ma culture.
1jour1actu : Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous maintenant ?
Martin Argyroglo : Je suis content que ma photo ait eu son petit succès. Non pas parce qu’elle est de moi, mais parce qu’elle donne de ce rassemblement une image gaie, positive. De plus, observez comme les gens se regardent les uns les autres. On n’est pas chacun dans son coin. Ce rassemblement, c’est un moment d’union très fort.