clervoy navette spatiale

Jean-François Clervoy (le plus à gauche) et 5 autres spationautes, serrés comme des sardines à bord de la navette ! (© NASA)

1jour1actu : Comment se sent-on à bord d’une navette ?

Jean-François Clervoy : On se sent serrés… Imaginez : on se retrouvait dans un espace de 15 m2 pendant 15 jours.

15 m2, c’est grand comment ?

Jean-François Clervoy : Ça correspond à une fois et demie la cabine de pilotage d’un avion, sur deux niveaux. C’est pas grand-chose, d’autant plus que l’on vivait à 6 ou 7 là-dedans ! C’est un peu comme être dans une grande tente avec 6 autres personnes.

C’est oppressant ?

Jean-François Clervoy : Pas vraiment. On se sent plutôt à l’abri, comme dans un cocon. La navette nous oblige à vivre à l’étroit, mais elle est aussi notre meilleure protectrice contre le vide et les températures extrêmes de l’extérieur.

Et on fait quoi pour se dégourdir ?

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Séance de sport à bord de Discovery. (© NASA)


Jean-François Clervoy : Dans Discovery et Atlantis, on avait un vélo, un tapis roulant et des accessoires de musculation, comme des haltères. Il fallait faire une heure de sport par jour. Mais pour les vols de plus d’un mois, c’était deux heures obligatoires.

Le confinement dans un vaisseau spatial est-il différent du confinement que nous vivons actuellement ?

Jean-François Clervoy : Oui, pour plusieurs raisons. D’abord, dans l’espace, on est confiné à 100 % : on ne peut pas sortir faire une promenade d’une heure et revenir. Ensuite, pour les spationautes, le confinement, c’est un choix. Ils s’y préparent longtemps avant le départ. Dans la situation actuelle, personne n’a été préparé.

Alors, faites-nous profiter de votre expérience : quels sont vos conseils pour vivre le mieux possible ces jours particuliers ?

Jean-François Clervoy : Il faut d’abord être organisé : en profiter pour se débarrasser de tout ce qui ne sert pas et ne pas laisser le désordre s’installer. Tout ce qui est en trop et mal rangé est une source de dispute, d’énervement. C’est comme quand on fait du camping.

Organiser son espace, d’accord. Mais comment organiser son temps quand tous les calendriers sont bousculés ?

Jean-François Clervoy : C’est vrai que tout est chamboulé mais, justement, là aussi il faut s’organiser. Et encore plus que d’habitude ! Chaque matin, il est bon de se fixer différentes choses à faire pour le reste de la journée : moments de travail, d’activités manuelles, de détente, moments où on est seul, moments où on est ensemble… Surtout, le soir, il ne faut pas se coucher trop tard. La première cause de stress, c’est le manque de sommeil.

C’est exigeant, ce que vous proposez…

Jean-François Clervoy : Eh oui ! Le confinement, c’est pas les vacances. Pendant les vacances, on peut être beaucoup plus cool. Pour bien vivre le confinement, il faut s’imposer des règles.

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Jean-François embarquait toujours avec lui les photos de ses enfants. (© NASA)

Avez-vous un dernier conseil ?

Jean-François Clervoy : Une chose importante est de rester en relation avec ceux qu’on aime : en écrivant, en téléphonant, en utilisant Internet… Donner de la chaleur humaine, ça réchauffe celui qui reçoit et celui qui donne.

Quel est l’aventure qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?

Jean-François Clervoy : Difficile à dire… Une fois, j’ai eu pour mission de réparer le télescope Hubble. Ce travail occupait toutes mes pensées. Je n’avais ni le temps de m’ennuyer, ni celui de m’inquiéter. Quand ce que l’on fait a du sens, tout passe mieux. Alors, je dirais que même si la vie actuelle paraît bizarre, il faut essayer de lui trouver un intérêt en listant tous les côtés positifs et en se donnant des objectifs. Cela permet au temps de passer plus vite et de tirer profit de ce qui nous arrive.

Propos recueillis par Catherine Ganet