Pour comprendre l’actualité autour de la question des réfugiés, télécharge gratuitement ici l’hebdo de la semaine. Tu y découvriras des articles, des cartes, des photos et des vidéos.
Reza est photoreporter depuis plus de 35 ans. Ses portraits de refugiés sont célèbres dans le monde entier. Il s’est toujours intéressé au sort des personnes en exil, parce qu’il a dû lui-même quitter son pays, l’Iran, pour pouvoir exercer librement  son métier. Aujourd’hui, il a choisi d’initier à la photographie des enfants qui vivent dans des camps.

(©S. Naik).

(©S. Naik).

1jour1actu : Comment s’est passé votre rencontre avec eux ?

Reza : Au premier atelier, je leur ai dit : « Je ne suis pas venu ici pour vous apprendre la photographie », ils étaient déconcertés. Quoi ? Comment ça ? Je leur ai répondu : « Je vais vous donner un outil qui va vous permettre de dire au monde entier ce que vous vivez dans une langue commune : l’image. » Ils ont très envie de témoigner.

1jour1actu : Comme Maya…

Reza : Oui, Maya m’a fait penser à moi, plus jeune. Elle était timide au début du cours et osait à peine approcher. Quand je lui ai demandé pourquoi alors elle restait à l’atelier, elle m’a dit : « Je veux apprendre la photo pour que tout le monde voie ce que je ressens et ce que nous vivons ici. »

Reza raconte : "Un jour, Maya était en retard. Gênée, elle me montre sa photo en arrivant : "Mes chaussures étaient gelées, j'ai dû attendre avant de les mettre, alors je les ai photographiées...". (© Maya Rostam / Les Ateliers Reza).

Reza raconte : « Un jour, Maya était en retard. Gênée, elle me montre sa photo en arrivant : « Mes chaussures étaient gelées, j’ai dû attendre avant de les mettre, alors je les ai photographiées… ». (© Maya Rostam / Les Ateliers Reza).

1jour1actu : Qu’est-ce qui vous a poussé à former des jeunes à la photo ?

Reza : Ayant moi-même dû quitter mon pays, je suis très touché par la vie des personnes en exil. Pour un reportage photo que je suis en train de réaliser, je me suis rendu dans une vingtaine de camps de réfugiés, où je rencontre des familles, des jeunes, des enfants. J’ai décidé de former à la photo des jeunes entre 10 et 15 ans pour qu’ils deviennent à leur tour des « reporters de camps ».

1jour1actu : Qu’est-ce qui rend leurs photos si fortes ?

Reza : Les photos des pays en difficulté que l’on connaît ont été prises par des photographes professionnels. Quand ils entrent dans un camp de réfugiés, ils n’ont pas accès aux tentes et à l’intimité des familles qui y vivent. Les enfants peuvent témoigner le plus justement possible de ce qui se passe. Ils montrent la difficulté, mais aussi le fait que la vie continue dans les camps.

1jour1actu : Qu’est-ce qui les motive ?

Reza : Quand on est un enfant et qu’on doit quitter ses jouets, ses copains, son quartier, pour se retrouver du jour au lendemain sous une tente, c’est un terrible choc. Et une fois dans les camps, il n’y a pas toujours d’école, ils s’ennuient beaucoup. Apprendre la photo, ça permet de redevenir curieux. Avec un appareil, ils se sentent importants, ils font des rencontres dans le camp : ils reprennent confiance en eux.

Zeraf a 13 ans. Il s'est baladé dans le camp avec un miroir pour photographier sa vie dans un reflet (© Zeraf Rasoul / Les Ateliers Reza).

Zeraf a 13 ans. Il s’est baladé dans le camp avec un miroir pour photographier sa vie dans un reflet (© Zeraf Rasoul / Les Ateliers Reza).

1jour1actu : Aujourd’hui, vivent-ils encore tous dans le camp ?

Reza : La plupart d’entre eux, oui. Ils y vivent depuis deux ans maintenant. Zeraf, un garçon de 13 ans, est parti vivre avec son père en Allemagne, comme des milliers de réfugiés récemment.

1jour1actu : À la rédaction, nous avons choisi de ne pas publier la photo du petit garçon qui s’est noyé en traversant la Méditerranée avec sa famille. Parce qu’elle est très triste. Comment une photo peut émouvoir autant de monde ?

Reza : Cette photo m’a bouleversé. Elle a même touché les politiques, qui ont enfin agi pour aider les réfugiés. Effectivement, cette photo nous touche parce qu’elle est très simple. Il y a la plage, qui est d’habitude un lieu de joie, de jeux en famille. Et ce petit enfant étendu, qu’on dirait presque endormi. Or Aylan est mort noyé. Quand on réalise cela, d’un seul coup, nos souvenirs d’enfance, nos rêves de douceur se brisent. C’est très violent. Et très triste.
 
 
Découvre, ci-dessous, un diaporama avec toutes les photos des enfants du camp de Kawergosk.


 
 
Jusqu’au 15 octobre, tu peux voir en grand l’exposition « Rêve d’humanité » sur les bords de la Seine, en face du musée d’Orsay, à Paris. Des photos de Reza y sont également exposées.