Nous avons interrogé Michel Wieviorka. Il est sociologue, c’est-à-dire spécialiste des questions de société. Il s’intéresse principalement aux sujets liés au racisme et aux discriminations.

La ministre de la Justice a été comparée à une guenon ? Qu’est-ce que cela signifie ?

Ce genre de propos peut paraître anodin, mais en réalité, c’est très grave car ils rabaissent les êtres humains au niveau d’objets ou d’animaux. Cela renvoie à une forme de racisme que l’on ne voyait plus.

C’est-à-dire ?

C’est un racisme ancien qui remonte à l’époque coloniale. Quand la France (et d’autres pays) a colonisé des pays d’Afrique notamment, il y avait l’idée que les Noirs n’étaient pas des êtres humains comme les autres. À l’époque, les racistes utilisaient même des arguments scientifiques. Ils mesuraient la taille du crâne, le type de cheveux ou la forme du nez pour dire : « Ils sont différents et inférieurs à nous ». Les Blancs s’autorisaient ainsi à dominer les Noirs. Rien ne justifie cela. Tous les êtres humains, quelle que soit leur couleur de peau, sont égaux.

Ce racisme avait-il disparu ?

Le racisme a toujours existé. Dans les cours d’écoles, au cours de matchs de foot, on a toujours entendu des insultes racistes. Depuis 30 ans, ce phénomène s’était calmé mais avec Internet, les réseaux sociaux et les blogs, la parole se libère. Les gens se lâchent. Ils osent plus facilement avoir des propos racistes, car ils ont le sentiment qu’ils ne risquent rien. La loi est plus sévère lorsqu’il s’agit de médias « classiques » comme les journaux ou la télévision.

Quelles sont les conséquences de ce genre de propos ?

Ces propos désignent d’une façon négative une partie de la population, les Noirs. C’est terrible car c’est une manière de disqualifier des êtres humains ce qui peut aboutir à rendre la violence normale. C’est comme dire « si ces personnes sont inférieures à nous, alors on peut mal les traiter ». C’est inacceptable. En France, le racisme est d’ailleurs puni par la loi. Si on veut vivre tous ensemble, on ne peut pas tolérer ça.